Smoked Meat / Publié le 16 décembre 2020
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VOIR ARTICLE ORIGINAL DU MAGAZINE INTÉRIEURS #45 |
SMOKED MEAT
ALAIN MOUREAUX
La simplicité et le coureur de fond.
par Madeleine Champagne et Anne Darche, publié dans INTERIEURS 45, AUTOMNE 2008 et revu en 2021 pour INT.design (en bleu) et intégration des témoignages de pairs à l’occasion de son prix hommage 2009 à l’occasion du GRANDS PRIX DU DESIGN.
IL ÉTAIT UNE FOIS
Il était une fois en Belgique un horloger/bijoutier si minutieux et si précis qu’il pouvait arrêter de transpirer pendant sa tâche pour ne pas oxyder son œuvre. Il s’appelait Robert, c’est le père d’Alain Moureaux.
À l’âge adulte, Alain ne peut simplement pas passer devant une bijouterie sans s’arrêter, ne serait-ce qu’une minute.
Robert Moureaux, Horloger Bijoutier 1987
Alain, Chef de troupe , dernier camp Juin 1969
ET UN JOUR À L’ÉCOLE
L’enfant Moureaux, intelligent, hyperactif, «mes parents ne connaissaient pas le ritalin», dit-il en ricanant, et élevé à l’aune de la rigueur est placé très jeune pensionnaire. Contre toute attente et contre toute légende… il ADORE ! Et terminera ses études, toujours pensionnaire, chez les Chtis. Le Biloute étudiera à St-Luc à Tournai, une école comme on en rêve : architecture, design, imprimerie d’art, ébénisterie, radio, télé et photographie.
UN PROF ET SA PROPHÉTIE
C’est à Saint Luc qu’un professeur lui dira… «Alain, tu seras peut-être limité dans la création, mais tu seras un grand directeur artistique».
Le cofondateur de la firme Moureaux Hauspy + Associés, devenue partenaire de Provencher_Roy Design d’intérieur, affirmait très franchement et humblement «je suis bon, mais avec mon équipe et nous n’aurions pas autant de succès sans mon complice Georges».
Aéroport de Montréal. Collaboration : C. Caron. Photo : Jean-Guy Lambert.
Autodesk. Collaboration : A. Dredi. Photo : Claude Simon Langlois.
LE GRAND DÉPART,
ALAIN, GEORGES, MARTINE ET LES AUTRES
Diplôme de design d’intérieur en main, 4 amis de la même cohorte (dont Georges Hauspy avec qui il bâtira sa firme de design et Martine la petite amie adorée qu’il mariera) naviguent au Canada. Du détroit de Belle Isle en passant par Québec, ils remontent le fleuve vers Montréal, jusqu’au petit matin. Stupéfaction devant la beauté du fleuve, de Québec, de la lumière. Choc devant le petit logis de la rue Papineau avec ses escaliers extérieurs et passage obligé le lendemain au Bonaventure, le complexe «moderne» de l’époque. Nous sommes le 14 juillet 1969 et la vie est belle !
Groupe de personnes en suspension ST.Luc Tournai, Mai 1969, en partant de la gauche le 5, 6, 7 partirons au Qc, ainsi que Georges Hauspy appuyé sur le mur. J.P Danvoye (5), Alain(6), J. Seghers(7).
Alain, sur le bateau vers Montréal, deux passagers, Alain et Georges Juillet 1969
Alain et Martine, Montréal Octobre 1969
L’ÉCOLE KNOLL
Discipline (toujours), esthétique, finition, voilà l’essence de son passage à l’école Knoll, son premier employeur.
FÉTICHES
LE ROUGE !
Souvent comme point d’exclamation. « C’est une couleur qui donne de la profondeur, j’aime un rouge franc, rouge MG ou rouge Ferrari. »
LE BLEU !
« Un bleu cobalt qui s’efface un peu »…
Crédit : Restaurant Jérôme Ferrer – Europea,
Provencher_Roy Design d’intérieur. Photo : Laurent Guérin.
LE BOIS
tout le temps, surtout l’érable… l’imitation, jamais !
Crédit : https://www.knoll.com/
La COLLECTION SAARINEN
de Knoll
au grand complet.
LA BIRD CHAIR
et l’ottoman de Harry Bertoia, encore pour Knoll !
SA CAFETIÈRE FAEMA
blanche surnommée «la Famélique».
L’HÔTEL GAULT
« J’y déjeunerais, dinerais, souperais si je pouvais ! »
1 PLACE VILLE-MARIE
« Ça demeure, encore, l’adresse avec un grand A en ville ! »
Crédit : https://provencherroy.ca/
LE STADE OLYMPIQUE !
« Nous le critiquons trop facilement. Ce serait un désarroi de le détruire. »
LE DÉFI DE L’ÉPHÉMÈRE
Ces principes et ces idées sont profondément gravés en lui. Le design d’intérieur, c’est le défi de l’éphémère. Tout reste et le décor disparaît. Le design c’est l’art d’être simple. Le décor doit correspondre à une image extraordinaire. Le métier de designer d’intérieur est un métier d’écoute. Le travail d’équipe est essentiel.
À l’occasion du 40e anniversaire de la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, Moureaux a partagé sa vision du travail du designer dans la société d’aujourd’hui…le défi, qu’il nomme, de l’éphémère.
Article concernant Alain Moureaux ici
En savoir plus … ici
Source : Faculté de l’aménagement, Université de Montréal
CE QUI L’EFFRAYE ?
Des projets unilatéraux.
«Lorsqu’un seul groupe d’architectes venus d’ailleurs crée un village entier, il en résulte quelque chose de plus artificiel. Montréal, c’est la diversité.»
CLIENTS BLUE CHIP… ET CONCURRENTS !
Les grands cabinets juridiques, comptables ou d’ingénierie – partout où la classe, la finition et la perfection sont requises.
Vous les nommez ; ils ont fait dessiner leurs bureaux par Moureaux Hauspy et son équipe. C’est une bonne école, dure, mais juste.
Il dit en riant « Tous mes concurrents les plus habiles ont travaillé avec moi à un moment ou l’autre.»
« Chez nous, on développe le sens critique, on cherche l’erreur, on veut le parfait…»
Hôtel Marriott. Collaboration : D. Swanson. Photo : Jean-Guy Lambert.
Ville de Montréal. Collaboration : C. Caron. Photo : Marc Cramer
Fraser Milner Casgrain, en partenariat avec Ædifica. Collaboration : J.-P. Généreux. Photo : Daniel Kurdish.
ALAIN, GEORGES, CLAUDE ET MICHEL
Cinq ans après l’arrivée d’Alain et Georges au Québec, voilà qu’à l’agence Papineau Gérin-Lajoie Le Blanc architectes à Montréal, Claude Provencher et Michel Roy se rencontrent en 1974. Ils fonderont en 1983, Provencher Roy et Associés architectes. En 2005, l’agence acquiert 50 % des parts de Moureaux Hauspy et Associés Designers, qui devient partenaire privilégié en design d’intérieur. Depuis, les projets d’envergure se sont succédé et Alain a pu couler récemment vers la retraite bien méritée.
VOUS PENSEZ DONC POUVOIR COURIR ?
Alain Moureaux parcourt 100 kilomètres par semaine, chaque semaine de l’année. Il va et vient du travail presque tous les jours. Il courra son 43e marathon sur… Sa chaussure de course ? New Balance en orange fluorescent, toujours le modèle le plus léger possible.
Cet homme marche aussi et conduit vite. Zoomez, zoomez, zoomez !
Et tout ça, avec le sourire et les yeux rieurs Moureaux !
Alain et Fabienne, finissent le Marathon de Niagara en 2000
FERDIE
En 1986 avec des membres de la SDIQ (Société des designers d’intérieur du Québec) Moureaux fonde FERDIE. ‘Nous étions soucieux d’augmenter le niveau d’enseignement en design d’intérieur au Québec afin de répondre adéquatement aux nouvelles exigences de cette profession.’ Depuis sa création en 1986, la majorité des activités de FERDIE ont été orientées vers la mise en place d’un programme de premier cycle universitaire en design d’intérieur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. En 2001, on crée le ‘Fond FERDIE en design d’intérieur’. Plus de quarante créateurs en ont bénéficié.
LE MOINE URBAIN ET LES AUTRES
En 2006, c’est la création des PRIX INTÉRIEURS|FERDIE, aujourd’hui devenus le GRANDS PRIX DU DESIGN, à sa 14e édition et sa première à l’échelle mondiale. ‘À l’origine, les PRIX s’adressent aux designers de toutes les disciplines et aux architectes du Québec, oeuvrant dans tous les champs de pratique du design d’intérieur, pour leurs projets réalisés ici ou à l’étranger.’
Fidèle collaborateur depuis toujours, Alain est encore ambassadeur du GRANDS PRIX DU DESIGN, ayant participé activement à la réflexion entourant son expansion mondiale cette année.
BELGIQUE-CANADA
Du pays où «le ciel est gris si gris que les canards se perdent», disait Jacques Brel, au Québec, «mon pays ce n’est pas mon pays c’est l’Hiver», selon Gilles Vigneault, Alain Moureaux a donné au design d’ici des assises fortes et racées.
Jacques Brel – Photo : Jac. de Nijs / Anefo, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Gilles Vigneault http://gillesvigneault.com/
PRIX HOMMAGE GRANDS PRIX DU DESIGN 2009
Alain Moureaux, référence québécoise en matière de design d’intérieur, a consacré toute sa vie à la promotion de cet art, avec détermination et générosité.
En 2009, celui qui a cofondé l’agence Moureaux Hauspy avec son ami et complice de la Belgique, coparti FERDIE, colancé les PRIX INTÉRIEURS FERDIE et répondu PRÉSENT à toute occasion de parler du design et d’en faire valoir la valeur, s’est fait remettre un prix hommage du GRANDS PRIX DU DESIGN.
TÉMOIGNAGES DE CEUX QUI CONNAISSENT L’HOMME DERRIÈRE LE PROFESSIONNEL.
MICHEL DALLAIRE, DESIGNER INDUSTRIEL
« Alain, c’est l’incarnation de la gentillesse et de la courtoisie, ce qui en fait l’une des personnes les plus agréables à côtoyer et avec qui travailler que je connaisse. »
« De plus, c’est un excellent designer d’intérieur, à l’esprit d’analyse très vif, qui a un remarquable sens des proportions et de l’espace. Et il est toujours très soucieux du résultat ; quand il s’engage, il faut que l’aboutissement soit réussi. »
« Mais ce qui frappe le plus chez Alain, c’est sa grande générosité. Il s’est entièrement dévoué à la cause du design d’intérieur au Québec, autant en poussant à la création d’un programme universitaire qu’en s’investissant dans la fondation FERDIE. »
« Il a même été jusqu’à former dans son bureau de nombreux jeunes designers qui sont devenus plus tard ses propres concurrents. Et il a une oreille attentive et un sourire engageant pour tous. On peut toujours compter sur lui ! »
IRÈNE CINQ-MARS,
ANCIENNE DOYENNE DE LA FACULTÉ DE L’AMÉNAGEMENT DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
« J’ai rencontré Alain dans le cadre de mes fonctions, alors que j’étais à la direction de la Faculté de l’aménagement. À cette époque, il y avait déjà un bac en design d’intérieur dont Alain avait été un instigateur de premier plan. »
« Alain a toujours activement valorisé la profession de designer d’intérieur et lutté pour qu’elle soit sur un pied d’égalité avec les autres disciplines du design. Je l’ai vu multiplier les interventions bénévoles auprès des étudiants, des professionnels et du grand public, ainsi qu’au sein de FERDIE. »
« C’est quelqu’un de très dynamique, plein de verve et d’humour, qui ne se départit jamais de sa rigueur professionnelle. C’est toujours une joie de travailler avec lui. Lors de notre grande campagne de financement du début des années 2000, il ne s’est pas fait prier pour aller solliciter les professionnels afin de créer des bourses et des stages. C’est un homme très généreux de sa personne et de ses talents. »
DAN HANGANU, ARCHITECTE
« Dans notre société où on cherche souvent à impressionner à tout prix, il est rare de rencontrer des professionnels qui, comme Alain, sont à la fois honnêtes et fiables. »
« C’est réconfortant de voir quelqu’un qui a des principes comme lui. Il a aidé beaucoup de monde, parce que c’est dans son caractère, et il est toujours là pour les autres. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Et ce qu’il fait, il le fait jusqu’au bout, même courir le marathon. »
Dan Hanganu – Photo : Bernard Brault, archives la presse
« Comme professionnel, ce qui est remarquable chez lui, c’est sa capacité à faire la part des choses entre les émotions de l’artiste et le réalisme du designer. »
« Dans nos métiers, nous sommes de plus en plus confrontés à des contraintes liées aux exigences du client. Et répondre à ces contraintes avec intelligence constitue un réel talent, qu’Alain possède. »
GEORGES HAUSPY, ASSOCIÉ PRINCIPAL DE MOUREAUX HAUSPY, AMI ET COMPLICE
«Tous les deux, on est comme un vieux couple. On a appris à se connaître et à se comprendre sans parfois rien dire. »
« La première qualité qui me vient à l’esprit, c’est sa persévérance. C’est quelqu’un qui s’est toujours accroché à ses convictions et qui est allé jusqu’au bout. »
« On s’est connus en 1963, en faisant nos études en Europe, et à l’époque, la formation en design englobait toutes sortes de disciplines, y compris l’éducation physique ! Je me souviens qu’on courait des épreuves de 10 km et que, même là, il voulait être le meilleur. D’ailleurs, il n’a pas changé. Moi, ça fait longtemps que j’ai arrêté de courir. Lui, il continue à faire des marathons de 42 km, comme s’il avait 20 ans. »
« C’est tout un phénomène. Il mène sa vie comme un jeune homme, sans se soucier du lendemain, avec détermination et générosité. »
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