Smoked Meat / Publié le 19 décembre 2020
Partagez sur
MICHEL DALLAIRE
LE grand designer industriel du Québec
Publié dans INTÉRIEURS 43, ÉTÉ 2008
Par Madeleine Champagne et Anne Darche
Revu et mis à jour (en bleu) en 2021 par : Juli Pisano
MESURE DU BONHEUR
En 2008, Dallaire mesure son bonheur au nombre de personnes assises sur les bancs de parc et sous l’éclairage urbain qu’il a conçus pour le Quartier international de Montréal.
Lampadaires et mobilier urbain du Quartier international de Montréal, 2003 Crédit photo: Faber Cayouette
FILM DE L’ENFANCE
Des paroles de chansons tristes flottent dans l’air et se superposent aux mots de Dallaire.
« Allo, Lola, ne raccroche pas, Lola lit dans l’au-delà. Ma jolie Lola… »
NÉ DANS…
Le chaos, le vin rouge et la térébenthine ! À Paris, au cœur de la Seconde Guerre mondiale.
Papa est le grand peintre québécois Jean Dallaire.
 |
 |
 |
||
| Loup marin, Jean Dallaire, 1961 | Coq Licorne, Jean Dallaire, 1952 | Jean et Michel Dallaire-1946 Photo Alex Castonguay |
Maman, sa muse… une Franco-ontarienne terriblement belle, élégante et super exigeante qui portait de grands chapeaux et répondait au nom de Marie-Thérèse Ayotte.
MICHEL AU PENSIONNAT
Son enfance est triste… pensionnaire à temps plein. Michel en Normandie : 3 ans. Michel à Ottawa avec Mamie : 2 ans. Michel au Manoir Charles-de-Foucault à Québec : 5 ans. Son histoire se ponctue de rébellions de jeunesse, de feux de poubelles et de coups de courroies. Et pourtant, il porte aujourd’hui les airs et la tête d’un magicien illuminé par un sourire dévorant de joie de vivre !
COUP DE TONNERRE
À 16 ans, Michel apprend que Jean Dallaire est son père adoptif. Son père biologique était plutôt issu d’une grande famille d’industriels horlogers de France. Coup de tonnerre ! Avec cette révélation, vient un don. Pour Michel, et à jamais, le plaisir vient de la précision à la Xième décimale.
RETOUR
Lorsque la famille bohémienne revient à Québec, elle n’a plus rien ! L’appartement situé au 38 chemin Saint-Louis est au demi- sous-sol. Il y a 4 chaises en aluminium rouge et blanc et une table à cartes. Les grands de ce monde s’y pressent pour se faire peindre le portrait par le papa à l’immense talent.
UNE FÉE
Sa tante Thérèse. La talentueuse tante détient la baguette magique. Elle le traine dans les musées, le sensibilise à la musique. Pour son 13e anniversaire, elle lui offre un premier album de son choix. Il choisit Little Richard. Elle ajoute les Variations Goldberg de Glenn Gould sous prétexte de lui mettre du plomb dans la tête ! Il l’écoutera des centaines de fois. De là, la musique est devenue muse.
U-TURN
Michel veut devenir architecte. Jean s’y oppose. Un cours classique impliquerait trop d’influence de la part des curés ! Direction programme scientifique imposée. Michel revient sur ses pas et fréquente l’Institut des arts appliqués de Montréal – toute une école ! Vient ensuite une cinquième année à Konstfackskolan, l’École supérieure des arts industriels de Stockholm en 1964-1965. Une annonciation… La rigueur de la pensée, la géométrie cachée et surtout l’ambiance de la nordicité l’emballent. Il y trouve là, de grandes affinités.
Flambeau des Jeux Olympiques de Montréal, 1976.
LE DESIGNER, L’IDÉE À ELLE SEULE EST UNE DÉMARCHE !
Michel Dallaire n’a jamais travaillé dans l’anonymat. C’est son petit côté bum. Tout est signé. Le flambeau des Jeux olympiques de Montréal en 1976, c’est lui.
Fascinante l’histoire de création de cette torche ! Écoutez Michel vous la raconter !
Plasticase, la mallette plastique lancée au MOMA en 1985, lui aussi. Plus de 10 millions d’exemplaires vendus en 2008 et, ça s’est poursuivi.
Un succès monstre. Une icône des années 1980s.
Un rapport qualité/produit parfait.
« Le produit le plus simple que j’ai fait dans toute ma vie. »
Plasticase, 1985, photo : François Brunelle.
Images extraites de la vidéo : Michel Dallaire. De l’homme à l’exposition
Angelcare, le moniteur pour bébés dessiné au tournant des ans 2000, Dallaire.
Angelcare, 2005, photo : François Brunelle.
Le mobilier de la Grande Bibliothèque nationale du Québec et les sièges en cuir bleu de l’amphithéâtre IBM des H.E.C., Michel, Michel, toujours Michel !
 |
 |
 |
||
| Couverture du premier magazine Intérieurs, 1996 | Sièges de l’amphithéâtre IBM. 1996 Photo: Marc Cramer |
Mobilier des salles de lectures Grande Bibliothèque du Québec, 2003. |
Photo- Francis Vachon – Agence Icône
Le système de vélos en libre-service Bixi, réalisé pour la Ville de Montréal, et oui… Dallaire aussi. Il a mérité le bronze de l’International Design Excellence Award 2009, le Gold Edison Award 2009 et a été sélectionné par Time Magazine au 19e rang parmi les 50 meilleures inventions en 2008. Ce projet a par ailleurs été acheté par Londres, Boston, Minneapolis, Washington, Melbourne, New York, Toronto et Ottawa… » de mémoire, il y a 28 villes qui ont des Bixi », dit-il en 2018, lors d’une visite commentée de l’exposition Dallaire – de l’idée à l’objet.
ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON !
Si c’est séduisant, utile et intemporel, il y a bien des chances que Michel l’a dessiné ! Son frisson survient dans la minutie des détails et le plaisir esthétique. Du potentiel de la machine-outil, aux innombrables possibilités techniques, l’idée est toujours de faire autrement !
Les distinctions abondent, les prix, les médailles, les lettres de noblesse et la reconnaissance internationale.
PAUL-ÉMILE BORDUAS
Summum de sa consécration : 1991.
LE Prix Paul-Émile Borduas remis par le Gouvernement du Québec, la plus haute distinction accordée par le Gouvernement du Québec à une personne pour l’ensemble de son œuvre dans les domaines des arts visuels et des métiers d’art.
Sa distinction ici
BRANDING
Sa signature visuelle : la cohérence géométrique, une des composantes essentielles de la beauté. Sa signature auditive : Vêpres de la Bienheureuse Vierge de Claudio Monteverdi (1567-1643).
Et ce monsieur se considère un peu rustre et manquant parfois de vernis….!!? Il aime bien son petit côté paysan qu’il a acquis dans sa tendre enfance sur la ferme en Normandie.
Extrait sonore ici
SOUDAIN, UN ANGE
Et l’ange apparut… après une seconde bouteille de vin à l’Express, ce resto béni des designers et talents montréalais, et ce, depuis 1980, à l’exception des derniers mois de pandémie. Retour aux ans 2000… « Le design d’Angelcare, le concept d’un moniteur pour nourrissons, m’est venu en discutant du projet avec le brillant entrepreneur Maurice Pinsonnault. Le halo est l’antenne, la sélection des canaux et la fonction marche-arrêt se situent dans les ailes et le look général délivre une charge émotionnelle rassurante, un sentiment d’efficacité et de fiabilité. À première vue, un objet doit exprimer, sans équivoque, sa fonction. Un bon design génère du plaisir à tous les sens. »
UN MAÎTRE À PENSER
Un maître : le designer et architecte français Jean Prouvé.
Ne rien dessiner qui ne soit faisable.
L’HOMME EST EN AMOUR
C’est un amoureux naturel. L-O-V-E. L’homme aime le désir, la beauté et la compagnie de femmes. Tenace, il a courtisé son épouse pendant 10 ans avant de la marier. Le couple a eu quatre filles. « J’en aurais bien souhaité deux de plus ! »
DEPUIS LE SMOKED MEAT…
En 2014, la firme PROVENCHER_ROY a le grand plaisir d’accueillir Michel Dallaire au sein de son groupe. Il y poursuit sa pratique en design industriel et contribue à divers projets multidisciplinaires en tant que conseiller sénior.
En 2018, marquant ses 50+ années d’excellence en design industriel, une exposition lui est consacrée au Musée de la civilisation, à Québec. Dallaire – de l’idée à l’objet présentait plus de 80 créations, de grande ou de petite dimension, chacune imprégnée de son style original, où la forme se doit d’obéir à la fonction et où le design s’appuie sur des valeurs sûres telles la durabilité, la fiabilité, l’honnêteté.
Se basant sur une série de rencontres ayant eu lieu entre 2014 et 2016, la journaliste Myriam Gagnon signe 268 pages de livre du même nom que l’exposition. Elle y présente les œuvres marquantes du designer, tout en s’attardant également au processus de création et de production, ainsi qu’aux contraintes et difficultés qui font la somme du travail d’un designer. Une introduction de Stéphan La Roche, directeur général du Musée de la civilisation, une préface de la conservatrice Sylvie Toupin, ainsi qu’une postface de Lise Bissonnette, ancienne directrice de la BAnQ, complètent l’ouvrage.
Acheter le livre ici
CARBURANT = CONTRAINTES
« Moi, pour créer, j’ai besoin d’un problème à résoudre », lance Dallaire. Il carbure à la contrainte. Un exemple éloquent se veut la création d’une collection complète d’ustensiles destinés au service en cabine d’Air Canada. Minimaliste et de toute beauté.
Lien de l’article ici
PAROLES, PAROLES, PAROLES (SUR LES AIRS DE DALIDA)
Qui dit que les designers laissent leur travail parler pour soi ! Tignasse et barbe abondantes, yeux pétillants derrières montures foncées, Michel Dallaire cause et cause à toute occasion avec collaborateurs, amis, clients et talents de la relève. Un passionné qui parle de son métier comme un passionné !
