Smoked Meat / Publié le 25 juin 2020
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LE CHARLEVOIX ET L’ETHNODESIGN
Instigateur de l’ethnodesign dans le Charlevoix et père des économusées
Rédigé par Madeleine Champagne et publié dans INTÉRIEURS 63, Été 2014, mis à jour en 2021 par Juli Pisano pour INT.design.
Il est le concepteur du Village canadien à Terre des Hommes faisant suite à l’exposition universelle Expo 67 à Montréal.
Enfant, c’est son père, Lionel, propriétaire d’un magasin général au 80, rue Saint-Jean à Baie- Saint-Paul, qui lui a enseigné les affaires et qui lui a surtout transmis les manières de faire, les approches clients et les odeurs de son milieu.
Plus tard, sa mère, Adrienne, a éveillé chez Cyril un talent de dessinateur ainsi que sa fibre artistique. Artisane née, elle réalise avec brio des « laizes », de grandes bandes de tissus, en s’inspirant de peintres comme Clarence Gagnon et Marc-Aurèle Fortin.
Soit dit en passant, la légende veut que sa mère lui ait proposé de dessiner des costumes de bain ornés des baigneuses nues de Picasso.
Sans titre montagne et grève, René Richard
http://galeriedoucepassion.com/artistes/rene-richard/
Du matin à la brunante, il l’accompagna dans ses pérégrinations, lui tendant ses pinceaux, mélangeant ses peintures et dégustant en prime une soupe d’herbes sauvages concoctée par le maître lui-même, in situ sur l’heure du midi.
Que vouloir de mieux que cette proximité avec ce grand esprit de la peinture canadienne pour éveiller en lui une sensibilité visuelle hors du commun ?
Fort des influences de cette sainte trinité et des bons conseils de monseigneur Félix-Antoine Savard, diplôme d’architecture en main avec un sujet de thèse portant déjà sur le concept d’un complexe culturel à Baie-Saint-Paul, Cyril Simard se consacre désormais corps et âme au développement de sa ville.
Son premier geste a été la mise en place d’une commission d’urbanisme pour Baie-Saint- Paul en 1965. Par la suite, pendant ses vacances, il devient président fondateur de la Société des festivals folkloriques de Baie-Saint-Paul. C’est ce qui l’a amené à l’étape fondamentale de l’établissement de modèles culturels selon la formule dite «CRÉA» (populaire) et « MANU » (design), de fait « un concept destiné à la création-recherche-éducation-animation d’événements culturels ». Deux exemples concrets : CRÉA, ce peut être un forgeron qui crée à même ses gestes millénaires un mobilier design en métal, alors que MANU était un projet de courtepointes, de crochet et de tapis à la sauce contemporaine.
Pendant tout ce temps, des questions lui trottent en tête : comment préserver notre patrimoine artisanal et culturel francophone ? Comment conserver la noblesse de notre artisanat et l’arrimer au design ? Comment aller plus loin…
Tout s’éclaire lorsqu’il devint président directeur de la Papeterie Saint-Gilles. Conscient de la précarité de ce type d’entreprise, il pense alors à un concept révolutionnaire qui fusionne l’autofinancement, l’entrepreneuriat, la valorisation des savoirs traditionnels et le développement du tourisme scientifique et culturel.
Le réseau Économusée était né. Il y en a aujourd’hui 33 au Québec et 64 dans le monde. Leur laboratoire est la Papeterie Saint- Gilles de Saint- Joseph-de-la-Rive, à deux pas de Baie-Saint-Paul: un demi-million de visiteurs en 25 ans.
Une preuve vivante qu’artisanat, design, éducation et marketing peuvent aller ensemble.
Avec le réseau Économusée, il a donné une nouvelle vie à l’ethnologie et, avec ses collaborateurs, il pave le chemin à l’ethnodesign, qui propose l’intégration du patrimoine dans une architecture et un design actuel. Un remix, en quelque sorte, de la courtepointe ou de la luge, une réelle révolution des métiers d’art, dont on voit plusieurs manifestations à Baie-Saint-Paul.
Déjà, en 1975, il s’inquiétait dans une chronique de Décormag, fondé et édité à cette époque par Ginette Gadoury, de la disparation des métiers. Qu’il soit rassuré, car grâce à lui Baie-Saint-Paul est un exemple de la renaissance des métiers d’autrefois.
Lorsqu’on lui demande quel est son plus cher désir, la réponse est rapide: « Dix ans de plus pour continuer à faire avancer la culture, le patrimoine qui gagne sa vie ».
Longue vie, Cyril Simard ! —