People / Publié le 18 mai 2021
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INTÉRIEURS #41
Douglas Ball
LE maestro du bureau
Récipiendaire du prix Hommage de la toute 1ere édition du GRANDS PRIX DU DESIGN. Article initialement rédigé par Myriam Gagnon et publié dans INTÉRIEURS, Hiver, 2007. Mise à jour par Juli Pisano en 2021 pour INT.design.
Photos : gracieuseté de Douglas Ball.
Dire que l’aménagement de bureau doit beaucoup à Douglas Ball relève de l’euphémisme. En fait, l’itinéraire professionnel de ce designer industriel est jalonné d’innovations qui ont bouleversé l’industrie, encore et encore.
Quand on qualifie son design de révolutionnaire, Douglas Ball réplique qu’il préfère le terme « évolutif ».
RÉVOLUTION RACE
Il dira ainsi du système Race conçu pour Sunar qu’il était « l’aboutissement de [ses] réflexions ». La forme, selon Ball, est la mise au point d’un concept, et un concept ne peut être que le résultat d’une pensée approfondie.
D’une simplicité exemplaire, le séparateur Race est efficace parce que terriblement intelligent. Il permettait de gérer à la fois le câblage – en faisant courir les fils à l’intérieur de fines poutres portées par des colonnes jointives – et les espaces, puisque plans de travail, écrans, rangements, appareils d’éclairage s’y accrochaient. Le fameux cubicule, indissociablement lié à la rentabilité de toute entreprise, demeurait. Mais dans un environnement dégagé de tout encombrement, et donc aéré et facile à vivre, élégant même grâce au dessin affiné et aux finitions soignées du système.
Bref, du jamais vu dans l’univers du bureau. Ce n’est pas révolutionnaire, ça ?
Présenté à Chicago en 1978, Race raflera quatre médailles d’or, une d’argent ainsi que le grand prix Best of Competition. Ses ventes en Amérique du Nord atteindront des sommets. Race ouvrira en outre les portes du marché européen à l’entreprise Sunar.
Race représente l’apogée de la collaboration Ball/ Sunar. « La qualité de conception et de fabrication était telle que les Européens croyaient qu’il s’agissait d’un produit allemand. » Race est encore fabriqué trois décennies plus tard (Haworth).
Ball n’en était cependant pas à son premier coup de maître pour le fabricant ontarien. dès 1966, la chaise 4554 avait opéré une percée américaine.
En 1964, personne ne prévoyait un tel succès… sauf le principal intéressé. Engagé cette année-là comme consultant chez Sunshine Office Equipment, Douglas Ball avait déclaré vouloir dessiner un mobilier qui se vendrait à l’étranger, notamment aux États-Unis, et suggéré que l’entreprise change son nom pour celui de Sunar, « une appellation franchement moderniste ». Le président aurait alors répondu : « Vous rêvez en couleurs. s’il y a une chose qui n’intéressera jamais les Américains, c’est le design made in Canada »…
La collaboration durera jusqu’à la fermeture de Sunar en 1990, l’entreprise, rachetée par Hauserman n’ayant pas su gérer cette croissance accélérée.
ROULE, ROULE, ROULE
« L’après-Race, qui représentait huit années de recherches, est resté dans les cartons à dessin. » Douglas Ball ne se retrouve pas complètement démuni pour autant. Tout au long de sa carrière chez Sunar, il a suivi d’autres filières design.
Dans les années 70 et 80, Douglas Ball développe une expertise dans le design industriel de véhicules adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Il crée, entre autres, un prototype de fun vehicle destiné aux enfants. Les roues arrières pouvant tourner à 360 degrés, le fun vehicle se veut excessivement manipulable, proposant une liberté de mouvement tout à fait alléchante pour ses usagers.
Quel dommage que son fauteuil roulant pour enfant n’ait pas trouvé de fabricant prêt à prendre
le risque de l’innovation ! Hyper performant sans afficher sa technicité, il favorisait le développement psychomoteur par le jeu. « Le concept tenait en une idée : tout enfant devait envier celui qui utiliserait ce fun vehicle. »
JAPANESE ROOM & LEON GOLDIK
Avant que l’arrivée de l’ordinateur modifie ses méthodes de travail, Douglas Ball se retirait sans son Japanese Room pour provoquer l’arrivée de nouvelles idées. Le maestro a également su s’entourer de collaborateurs hors pair tel Leon Goldik qui s’est introduit dans l’univers du design en exerçant d’abord le métier de créateur de maquettes. Depuis 1965, il a travaillé auprès de Douglas Ball et est devenu son bras droit.
CLIPPER CHEZ LES COMIQUES
Conçu pour New Spaces en 1993, la capsule de travail informatisé Clipper n’a pas connu le succès commercial qu’elle méritait. Mais le succès d’estime, si. Elle se trouve aujourd’hui dans les collections du London Design Museum. En novembre 1986, Clipper devient vedette d’une capsule Believe it or not ! de Ripley et passe aux annales des comiques !
I LOVE LUCY
Avec la chaise Lucy, produite par Vecta depuis 2000, Douglas Ball réalisait un rêve, celui de « concrétiser des années de recherches en ergonomie avec un siège qui fasse date ». Grâce à son dossier flexible qui épouse tous les mouvements de la colonne vertébrale, telle une main d’adulte qui épouse le dos d’un poupon, Lucy assure un soutien maximal à l’utilisateur.
MY STUDIO ENVIRONMENTS
Flashforward à 2006… My Studio Environments est l’apogée de ses quarante ans de carrière vouée à l’avancement du design de mobilier de bureau.
Le micro-environnement prend en considération les besoins de confort, d’intimité et de facilité d’utilisation des télétravailleurs… une réalité plus vraie que jamais, quinze ans plus tard, en 2021.
C’est encore et toujours de design « évolutif » qu’il s’agit avec le poste de travail My Studio Environments, conçu pour Herman Miller, récipiendaire du Best of Show Award et de la médaille d’or Neocon 2006.
« L’idée a mûri pendant trois décennies, et le développement s’est étalé sur quatre ans. » Les longs périples aux États-Unis y sont pour quelque chose. « L’obsession nord-américaine du surdimensionné – grosses voitures, stationnements immenses, centres commerciaux gigantesques… a provoqué chez moi le besoin de penser plus petit (the need to think smaller). »
D’autre part, la vie à bord de son bon vieux Volks Westphalia aménagé au quart de centimètre près, comme la vie dans la cabine de son voilier, l’a amené à apprécier les avantages d’un espace restreint, où tout est à portée de main. Encore faut-il que le lieu soit parfaitement adapté à son occupant.
Certains éléments incorporés à My Studio Environments sont empruntés à son réaménagement d’un Westphalia 1973, notamment l’intégration d’une petite tablette qui court le long de la structure pour y accueillir de petits objets.
My Studio Environments a été conçu dans cet esprit : il prend en considération les besoins de confort, d’intimité et de facilité d’utilisation des télétravailleurs.
Il en va sans dire, le maestro a révolutionné, tour après tour, plus d’une fois, l’univers du bureau.