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Muskoka Lake House
Par : Studio Paolo Ferrari
GRANDS PRIX DU DESIGN – 17e édition
Discipline : Design d’intérieur
Catégories : Résidence / Chalet & maison de campagne en design d'intérieur : Certification Or
Après avoir terminé sa sculpture de 1959 « Last Ladder » – une poutre en bois de récupération dans laquelle sont creusées des poches – l’artiste Carl Andre a réfléchi avec tristesse sur son travail. « J’ai réalisé que le bois était meilleur avant de le couper qu’après », a-t-il déclaré plus tard. « Je ne l’ai amélioré d’aucune façon. » André ne faisait pas de commentaires sur les limites de son talent mais plutôt sur les limites de l’intervention humaine elle-même, en particulier lorsqu’elle s’appliquait aux artefacts naturels. Pouvons-nous vraiment rendre la nature meilleure qu’elle nous ? » a-t-il implicitement demandé. Peut-être devrions-nous laisser cela tranquille – ou intervenir, si nécessaire, avec le contact le plus léger possible.
Les idées d’André ont guidé notre travail sur la Muskoka Lake House, un refuge surplombant le lac Rosseau, qui fait partie d’un réseau de plans d’eau douce adjacents à la baie Georgienne, dont le littoral rocheux a inspiré certains des peintres les plus emblématiques du Canada. Nous voulions créer un lieu de répit face à l’intensité de la vie urbaine et également construire avec autant de sensibilité que possible, en complétant, mais sans jamais submerger, l’environnement environnant.
Le plan du bâtiment était délibérément simple : un toit en pente, une grande pièce à l’étage supérieur et des dortoirs en dessous. Nous nous sommes limités à deux matériaux principaux : le granit, que nous avons utilisé pour le gros îlot de cuisine et les éviers sculptés de la salle de bain, et le sapin de Douglas blanchi à la chaux, qui apparaît dans les plafonds, les menuiseries et le revêtement mural. Le granit est dur et à grains grossiers. Il fait référence à la minéralité du site et confère aux intérieurs une impression de robustesse. Le sapin de Douglas offre tactilité et chaleur, et relie la maison aux traditions de construction vernaculaires. Nous nous approvisionnons en deux matériaux localement, les extrayant parfois de la propriété elle-même. Le seul produit importé était le revêtement de sol en sapin de Douglas chaulé, un matériau séculaire apprécié pour la taille et la qualité de ses planches, que nous avons acheté auprès d’une entreprise danoise.
Notre philosophie directrice était un minimalisme chaleureux – les intérieurs tirent leur élégance d’un manque d’encombrement visuel – mais nous nous sommes également concentrés sur l’équilibre. La lumière juxtapose l’obscurité : la chambre principale est inondée de soleil, tandis que la salle de bains est profonde et caverneuse. Des détails raffinés cohabitent avec des surfaces rugueuses, un clin d’œil à la tradition du design japonais wabi-sabi. L’îlot de cuisine, par exemple – un grand bloc de granit inachevé – évoque les rochers et les affleurements que l’on voit à travers le Bouclier canadien, une étendue de substrat rocheux qui s’étend des Grands Lacs à la côte arctique. Par sa taille et sa monumentalité, l’île compense les armoires savamment conçues qui l’entourent. Nous avons conçu sur mesure tous les éléments intégrés et le mobilier : le lit principal, construit en sapin de Douglas empilé ; la cheminée double face, qui ancre le salon ; et le jardin de rocaille extérieur, rappelant un onsen japonais (ou source chaude), qui dispose d’un sauna et d’une douche extérieure.
L’architecture s’en remet toujours à la nature. Les fenêtres offrent des vues dans toutes les directions, non seulement vers l’extérieur, vers le lac, mais également vers l’intérieur, vers l’escarpement de granit, qui est tout aussi exquis que l’eau tachetée. En traversant la maison – en passant de l’entrée à la grande pièce, ou du couloir faiblement éclairé du rez-de-chaussée aux chambres baignées de soleil – on a l’impression de traverser une crique dans une paroi rocheuse et d’émerger, de façon spectaculaire, dans la lumière du soleil.
Dans la salle de bains privative, les miroirs de chaque côté du lavabo sont dotés de pivots personnalisés, de sorte qu’ils peuvent être facilement pivotés, permettant ainsi une vue dégagée sur le rocher. C’est un petit détail mais qui compte pour nous. Dans un bâtiment si totalement immergé dans son environnement, la vanité elle-même devient une réflexion secondaire. Le calme, l’espace, la connexion avec la nature : tels sont les luxes les meilleurs et les plus raréfiés qu’on puisse imaginer.