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Hommage à Willis Ritchie, architecte
Par : Jean-Maxime Labrecque, architecte
GRANDS PRIX DU DESIGN – 17e édition
Discipline : Design d’intérieur
Catégories : Bureau / Bureau 5 400 - 54 000 pi2 (500 - 5 000 m2) : Certification Or
Catégories : Prix spéciaux / Intérieur + Éclairage : Certification Or
Catégories : Prix spéciaux / Rénovation (avant-après) : Certification Or
Catégories : Prix spéciaux / Signalisation & branding des lieux : Certification Or
Hommage à Willis Ritchie, architecte
Hommage et triangles
1 . La symétrie du hall
2 . Circulations
3 . Éclairage
4 . Minimalisme et histoire
5 . Géométrie structurale complexe entre les niveaux
6 . Chaque pièce traitée comme un projet à part entière
7. Intégration électromécanique chirurgicale
8 . Matérialité et finis
De configurations et finis standards qui aient pu donner l’impression que l’on se trouve dans n’importe quel édifice générique du centre-ville, l’ancien bureau de poste de Westmount édifié en 1910 par l’architecte américain Willis Ritchie a non seulement retrouvé et exprimé ses origines, mais encore a-t-il intégré une essence qu’il n’avait jamais connue. Bien que d’une certaine qualité constructive, les aménagements intérieurs de l’immeuble dont ont fait l’acquisition deux frères chirurgiens plasticiens, étaient vu le potentiel de l’endroit, réducteurs.
Les bureaux et corridors standards ont mué en une promenade architecturale entre les niveaux du sous-sol, du rez-de-chaussée et d’une nouvelle mezzanine, induisant une circulation fluide au cœur d’une volumétrie riche. Aucun des projets précédents n’avaient atteint de telles expressivité et fonctionnalité architecturales dans cet immeuble. Le projet, dont la facture minimaliste demandant une grande et constante précision au constructeur, à laquelle s’ajoutent certaines étapes de travaux qui ont pu être délicates (poussière, excavation, bruit, …), a été réalisé sur un site particulièrement exigeant, dans un immeuble patrimonial, en plein cœur de Westmount. On peut ainsi dire que le degré de difficulté fut maximal.
1 . La symétrie du hall
L’accueil des visiteurs dans un hall majestueux était l’une des préoccupations principales des nouveaux propriétaires. La nouvelle vocation du lieu, clinique de chirurgie esthétique, réclamait un travail plastique du hall d’entrée ; ce fut le point d’ancrage pour la conception de l’ensemble. Le vocabulaire de l’immeuble néoclassique du tout début du XXe siècle, tout comme les visage et corps humain que façonnent avec délicatesse les initiateurs du projet, commandait la réintroduction de symétrie pour l’accueil des usagers.
Une cloison bloquait initialement la vue, du hall, vers le niveau supérieur. Sa démolition, de même l’entièreté des cloisons et plafonds du rez-de-chaussée ont permis l’ouverture sur la totalité du volume. Le dégarnissage des couches superflues met ainsi en relation le hall et le grand volume du rez-de-chaussée en plus d’ouvrir une percée visuelle de la porte d’entrée principale jusqu’à une enfilade de fenêtres du mur mitoyen NORD, qui n’illuminaient jusque-là et que partiellement, un seul corridor isolé. La composition tridimensionnelle en escalier ascendant obtenue, perceptible depuis l’entrée, vise l’harmonie selon le rapport des proportions du volume offert par le bâtiment et les objets sculpturaux qui y sont déposés.
Soulignons le détail de l’escalier d’acier ancré d’un côté dans la colonne centrale du hall, et de l’autre, soit à même le comptoir de réception ou encore sur le garde-corps de l’escalier conduisant au sous-sol, l’un et l’autre recouverts de miroir.
2 . Circulations
Avant les travaux, le volume du hall d’accueil se butait, nous l’avons vu, au-delà les marches conduisant tant au RDC qu’au sous-sol, à des cloisons. Deux escaliers menaient à ces étages et étaient insérés en un volume polygonal irrégulier qui, durs pour l’œil, forçait plusieurs détours et générait une circulation plutôt inefficace et désagréable.
Les activités de la clinique médicale qui allaient s’installer dans cet important bâtiment de l’histoire montréalaise nécessitaient optimisation des circulations des sous-sol et rez-de-chaussée en vue d’harmoniser leurs relations et rendre l’expérience de l’usager apaisante, voire méditative.
2.1. Rez-de-chaussée
Promenade architecturale ‘AA’
Le plan d’aménagement du rez-de-chaussée est basé sur celui de l’occupant précédent. En réagissant au volume entièrement ouvert qui avait été proposé lors des esquisses préliminaires, les propriétaires ont exprimé le souhait de confidentialité de leurs patients en direction, à l’entrée et à la sortie des bureaux de consultation du rez-de-chaussée. De là, l’ilôt central de la configuration telle qu’elle se présentait au départ (voir plan de démolition) a été tronqué en deux, générant ainsi deux triangles. Ces deux prismes correspondent aux deux premières lettres des prénoms des propriétaires, Ali et Arash Izadpanah.
Le premier triangle est celui de la mezzanine. Il abrite trois salles d’injection et est surmonté d’un plancher qui accueille un salon VIP feutré ainsi que trois bureaux administratifs.
Le deuxième triangle est le centre administratif. Positionné de manière à reproduire l’empreinte de la configuration pré achat, ses parois s’arrêtent à une hauteur de huit pieds. Dépourvu de plafonds, il offre à celles et ceux qui y travaillent, l’ouverture sur l’immense volume du rez-de-chaussée.
L’espace interstitiel entre ces deux volumes triangulaires permet d’y glisser la confortable salle d’attente du rez-de-chaussée. Installé sur une banquette longue de près de quarante pieds, adossé à la cloison du secrétariat, le visiteur attend qu’on l’appelle pour son rendez-vous en visionnant une projection sur la haute et large cloison de la mezzanine qui couvre à elle seule 650 pieds carrés.
La mezzanine, elle, est ouverte et loge les visiteurs en un salon feutré. Une banquette aussi triangulaire et un comptoir d’une longueur de 54 pieds installé sur la plus longue arête de ce triangle, offrent des surfaces de détente et repos avec vue sur l’activité du volume général et du hall d’entrée.
Le volume principal, d’une hauteur plancher / plafond de 16’5’’, est délimité par des cloisons dont les surfaces immaculées en couvrent la périphérie sans interruption, percées notamment de portes imperceptibles, sans cadre.
2.2. Sous-sol
Relation au hall et blocs
Il fallait, pour éviter de donner la sensation aux usagers de ‘descendre dans un sous-sol’, les y conduire de manière élégante et accueillante. La nouvelle symétrie du hall d’entrée a permis de positionner le long du plus grand mur de cet aménagement l’escalier menant à l’étage souterrain. Ainsi, si du hall le visiteur emprunte les marches conduisant au sous-sol, il longera une cloison haute de 31 pieds. Cette monumentale surface se prolonge pour devenir, au niveau inférieur, une des faces des bureaux centraux.
Après sa descente, le visiteur se trouve sous le palier de l’escalier du hall aux contremarches ouvertes. À sa gauche il aperçoit la rampe d’accès universelle ainsi qu’un escalier de 3 contremarches menant à l’ascenseur et à la cuisine. Après avoir fait quelques pas, il s’installe dans la salle d’attente du sous-sol. Cette pièce est ceinturée de trois bureaux de médecins et une salle d’opération côté sud, ainsi que du bloc des trois autres bureaux de consultation, côté nord.
L’aménagement de l’étage est structuré par deux blocs, celui des bureaux de médecins vu précédemment et celui des douches et WC hommes / WC femmes des vestiaires.
C’est donc autour de ce premier bloc de bureaux à circulation périphérique que l’on chemine direction ouest pour atteindre les vestiaires du personnel. Le corridor qui y mène va en rétrécissant pour créer un dynamique effet architectural. Une fois devant les accès aux vestiaires on rencontre le deuxième bloc qui répond au premier. Celui-ci inclut les douches et WC hommes puis WC femmes. Cet objet précieux, couvert de céramique blanche, est rattaché aux cloisons et murs adjacents par des peaux de verre aux accès sécurisés.
Les vestiaires hommes et femmes offrent de longs comptoirs équivalents d’une quinzaine de pieds. La vingtaine de casiers qui s’y ancre et l’assemblage électromécanique compressé au plafond le surplombant se réfléchissent dans une vaste surface miroir pleine hauteur et largeur. Des éclairages indirects autorisent l’utilisation pour ablutions. La gent féminine a droit à de généreuses douches aménagées dans une alcôve de béton.
Une salle de repos comprenant six lits et leurs rideaux d’intimité est enfin aménagée plus loin sur cet étage. On s’y rend en tournant à droite une fois au pied de l’escalier d’accès au sous-sol, ou encore au sortir de l’ascenseur puis via la rampe d’accessibilité universelle.
3 . Éclairage
Les éclairages faisant partie intégrante des fondements du projet, l’architecte en a lui-même assumé la conception. Les alcôves générées par les poutres au plafond de l’immeuble de 1910 ont été illuminées par des bandes DEL dissimulées derrière des pliages d’aluminium pour créer l’éclairage architectural d’ambiance. Les plafonds deviennent ainsi de vastes surfaces lumineuses qui couronnent chacun des étages. Les sources ponctuelles qui ont été ajoutées à l’intersection de ces poutres, ainsi qu’au sommet des colonnes, autorisent l’éclairage fonctionnel.
4 . Minimalisme et histoire
Pour établir un dialogue fort et cohérent avec les irrégularités de l’immeuble vieux de plus d’un siècle, le traitement de surface des cloisons abritant les différents usages de la clinique devait suivre le vocabulaire minimaliste épuré typique d’inspiration muséale. Il était impératif que tout pan vertical soit immaculé, peinturé en blanc et dépourvu de tout détail ou accrochage décoratif. On n’y trouve ainsi par exemple, aucune moulure de bas de mur ; les bas de murs sont flottants. De même pour les cadrages de porte ; les cadres de portes sont dissimulés n’en laissant paraître que le joint et la poignée. Idem pour les bordures de grilles de ventilation ; les cadres en sont encastrées dans les cloisons. Ces nouvelles surfaces monumentales dont la hauteur sous plafond varie de 10 à 31 pieds, offrent une pause, un moment de quiétude visuelle aux usagers.
Les traces de l’histoire de l’immeuble mises en valeur disent les nombreuses vies de l’édifice et en enrichissent l’expérience architecturale.
5. Géométrie structurale complexe entre les niveaux
Puisqu’exigeant des empattements en sous-sol, les colonnes de la structure de la mezzanine devaient traverser le plancher du RDC et se poursuivre à l’intérieur des cloisons de l’étage souterrain. Seuls quelques croisements de cloisons furent ainsi possibles d’un étage à l’autre. Pour les positionner avec précision, l’architecte a proposé une technique de percement de la dalle du RDC et insertion de cordages avec fil à plomb au sous-sol. La technique qui a fonctionné à merveille a permis d’éviter d’hasardeux calculs spéculatoires (conduisant à d’immanquables erreurs dans ce contexte particulièrement irrégulier) issus de la superposition de plans sur IPAD ou papier par laquelle l’entrepreneur général avait débuté l’opération de marquage en vue d’implantation de la structure.
6 . Chaque pièce en tant que projet à part entière
Alors qu’il peut arriver que l’architecture produise un plan assorti d’un traitement minimum pour chaque pièce, ici chacune d’entre elles est considérée comme un projet à part entière et un soin méticuleux leur a été apporté. La structure originale de l’édifice qui était auparavant dissimulée dans les cloisons et plafonds a été exposée. D’imposantes colonnes ou poutres au plafond traversent donc parfois des bureaux de taille moyenne, ce qui en fait, à l’échelle de ces pièces, des sculptures de béton mises en valeur par un éclairage architectural. Il en va de même pour les bureaux logés dans la nouvelle structure.
Pour ce qui est du mobilier, l’architecte a mis à contribution le même principe que celui appliqué dans le cadre de projets précédents où un même élément de construction est utilisé à différents usages. Ici le platelage employé pour le plancher de la mezzanine sert pour le mobilier de l’ensemble de la clinique, tant pour les bureaux et leurs longs comptoirs, que les bancs des salles d’attentes.
7 . Intégration électromécanique chirurgicale
Les composantes électromécaniques sont systématiquement volumineuses et encombrantes. Si au rez-de-chaussée les hauts plafonds ont permis une intégration sans conséquence sur les pièces, il en fut autrement au sous-sol. Le défi fut ici encore plus important qu’à l’habitude vu le besoin de combiner la structure de béton existante de tracé irrégulier et les plan d’aménagement.
En temps normal en contexte commercial une ou deux seules versions de plan d’ingénierie de chaque discipline électromécanique est attendue ; nous les avons ici fait revoir un nombre incalculable de fois, aussi souvent que requis pour répondre à la précision attendue de leur positionnement.
Notons enfin les lavabos dans chacun de la douzaine de bureaux de médecins qui a demandé un important travail en plomberie sous dalle, en particulier au sous-sol.
8 . Matérialité et finis
La matérialité est pour l’essentiel celle de l’immeuble d’origine, complétée de matériaux simples, modestes et économiques, en plus des composantes électromécaniques, du mobilier de bois sur mesure recouvert de Corian blanc, de miroir et de quelques interventions en métaux ouvrés. La structure de béton originale a été découverte, dégarnie, sablée au jet de sable et scellée. Lorsque des portions de la structure d’acier qui se trouve sous le béton apparaît, elle est recouverte de peinture intumescente. De même pour la mezzanine ; la nouvelle structure d’acier ou encore ses plafonds de ses bureaux en platelage de bois sont maintenus apparents. Le plancher existant de béton a été nivelé et recouvert d’epoxy gris. Des cloisons de gypse, percées de portes dissimulées, sans cadres, ont soit été construite à neuf selon le tracé du plan, soit recouvert des cloisons existantes conservées. Le détail de bas de murs rend ces surfaces flottantes.