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Espace Riopelle
Par : Agence Spatiale + BGLA architectes
GRANDS PRIX DU DESIGN – 16e édition
Discipline : Architecture
Catégories : Autres catégories en architecture / Concept & non bâti : Certification OR
CONTEXTE
Au printemps dernier, le Musée national des beaux-arts du Québec organisait un concours pluridisciplinaire afin de rêver le futur Espace Riopelle, un pavillon dédié à l’œuvre de Jean Paul Riopelle, intégré au complexe architectural existant. La création du nouveau bâtiment visait à propulser le MNBAQ vers l’avenir, en créant un véritable carrefour, un lieu de convergence au sein de son complexe muséal. Il devait renouveler complètement l’expérience muséale, magnifier les lieux en plaçant l’humain au centre de cette nouvelle aventure, dans un espace qui favoriserait la rencontre en plus d’accroître l’accessibilité à la collection nationale.
GRANDEUR NATURE
« Je ne tire pas de la nature, je vais vers la nature. »
Riopelle a été un homme de mouvement qui inventa et réinventa sans cesse son langage formel. Le pavillon Riopelle doit, à notre sens, s’accorder au diapason de la fougue et de l’audace de cet artiste immense. Bien présentes dans son œuvre, les courbes de Bézier sont des courbes polynomiales paramétriques développées pour concevoir des pièces de carrosserie d’automobiles au tournant des années soixante pour Citroën et Renault. Connaissant l’amour de Riopelle pour les belles voitures, ce détail devient inspirant. Ces courbes sont présentes dans certains tableaux, comme des signes et des codes qui racontent, sous forme symbolique, des épisodes de la vie de l’artiste. Les courbes de Bézier représentent une source d’inspiration pour la volumétrie du bâtiment à construire. Elles engendrent un dialogue en contraste avec les pavillons existants, qui sont organisés selon des trames architecturales classiques. La forme participe au caractère hétérogène de l’ensemble et garantit une signature architecturale forte, distinctive et identitaire.
LA GRÈVE – PROMENADE PAYSAGÈRE
Le projet propose une montée paysagère qui invite, dès le parvis central, à monter sur les toits afin d’atteindre un belvédère unique qui permet de saisir, en toute saison, l’immensité et la puissance du site. Un parcours linéaire qui reprend le langage des grèves, un lieu d’échouage en bord de fleuve fait de sable, de gravier, de bois flotté et de champs herbacés. L’accessibilité à ce toit terrasse assure le renouvellement des publics et permet au bâtiment de s’engager généreusement dans la communauté.
L’ÉCRIN
« Il achète de Matisse, Le Serica. Matisse lui transmet l’amour de la voile, et des voitures de luxe, qui deviennent une sorte de refuge pour Riopelle. »
Telle une grande voile de bateau ondulant sur le fleuve, le projet revêt une enveloppe légère, diffuse et mystérieuse. Servant à la fois de filtre, de protection solaire et de contrôle énergétique, la vêture se veut une métaphore des longs canevas de l’artiste, évocatrice du travail en multiples épaisseurs de Riopelle. Elle est constituée d’un mur performant, fait en partie de panneaux d’acier isolés et de murs-rideaux, l’ensemble étant habillé d’un voile en membrane PTFE (Teflon haute résistance) tendue sur une structure d’aluminium. La résultante constitue une double peau dont la performance énergétique permettra la récupération de chaleur et contribuera à l’atteinte du niveau LEED souhaité. L’interstice entre les deux parois de la double peau est dimensionné pour permettre le passage d’un ouvrier. Cet interstice permet entre autres l’entretien facile des composantes et structures des murs, le nettoyage des vitrages et l’entretien des appareils d’éclairage intégrés servant à mettre en lumière l’objet architectural de nuit. Cet architecture-textile n’est pas sans évoquer l’architecture nomade autochtone en temps de chasse et de pêche. La légèreté suggérée apporte une notion de mouvance et de migration, exprimée de manière contemporaine. Le jeu des câbles qui maintiennent la toile tendue en place fait également écho aux « Jeux de ficelles » inuit, Ajaraq, chers à Riopelle.
LE SIGNAL
Une forme qui épouse et fait écho au rond-point de l’avenue. Un volume qui accueille et établit des relations avec les parcours courbes du Parc des Champs-de-Bataille. Un bâtiment-signal qui dialogue avec le monument Wolfe. Une matérialité qui suggère une toile qui se déroule, une voile qui appelle au voyage et à l’aventure.
L’AVENUE WOLFE-MONTCALM
Le nouveau basilaire offre une large fenestration qui favorise l’accueil ainsi qu’une transparence en direction du fleuve à partir de l’axe de l’avenue Wolfe-Montcalm. Le volume flotte au-dessus de l’ancien pavillon et déstabilise le visiteur. La géométrie circulaire suggère le rassemblement et la rencontre comme accolade réconfortante.
LE PARVIS
L’esplanade est couverte en partie pour protéger les visiteurs des intempéries et permettre la tenue d’activités. La sous-face en bois rappelle la coque d’un voilier en cale sèche. Un gradin herbacé offre un lieu pour les rassemblements de groupe tout en proposant un contact avec la nature invitante.
PARCOURS MUSÉAL ET EXPÉRIENCE
La découverte des œuvres de l’artiste se fait dans une série d’espaces muséaux courbes, disposés intimement en relation avec le fleuve et le parc. Ce parcours s’effectue à partir du hall principal et dessine un grand mouvement circulaire qui investit tout le projet d’architecture pour en faire une boucle. Il ramène le visiteur à son point de départ en lui faisant découvrir les œuvres de l’artiste. Le hall principal, repositionné pour inclure l’extrémité des tunnels des pavillons Baillairgé et Lassonde, devient le nouveau croisement de toutes les circulations. Il regroupe les entrées avant et arrière du musée en redéfinissant l’amorce du parcours muséal et tout particulièrement la nouvelle expérience Riopelle. Dès la sortie des tunnels qui émergent des autres pavillons, le visiteur est happé par un espace de rencontre, à même ce hall principal. Ce lieu initie le parcours vers le Carrefour Riopelle, une ascension vers un univers artistique conjuguant intimement architecture, rencontres et immersion dans le paysage. Cet espace, marqué par des gradins rassembleurs en lien avec le café, favorise la cohabitation des clientèles. Aménagé sur différents niveaux, il instaure au fil de la montée un sentiment de reconnaissance et d’éducation sur le cursus de l’artiste. À travers l’ascension, le paysage se révèle et établit un dialogue progressif, amplifiant le lien direct avec la nature et le fleuve. Le parcours se termine en empruntant l’escalier magistral qui ramène le visiteur dans le hall principal, tout en lui offrant des alternatives de visite dans les autres pavillons.
EXPOSITION RÉFÉRENCE ET SALLE ROSA LUXEMBURG
Le Carrefour Riopelle relie la salle Revendiquer au niveau haut. Cette salle assure un lien continu dans le parcours en donnant accès à la salle d’exposition référence. Sur un mode privilégiant la flexibilité par des cloisons rectilignes propices à un accrochage muséologique efficace, l’immense salle est l’aboutissement permettant d’apprécier le corpus principal de l’artiste. Dotée d’une enveloppe architecturale qui assure une gestion efficace de la lumière et un contrôle des conditions muséales, la salle référence permet des contacts visuels avec l’extérieur sur presque 360°. Au paroxysme de la visite de la salle référence, le visiteur aboutit à l’œuvre majeure de l’artiste, L’Hommage à Rosa Luxemburg. Disposé en deux hémicycles, l’immense tableau se déploie sur des surfaces galbées dimensionnées en fonction de l’œuvre et offre au passage des vues sur le paysage et le fleuve. La lecture et la découverte de l’œuvre peuvent alors se faire selon la conception originale de l’artiste, les deux premiers tableaux du triptyque se lisant de gauche à droite et le troisième de droite à gauche.
AMBIANCE ET NORDICITÉ
La nordicité du projet s’exprime par un intérieur chaleureux en réponse au climat froid. Un idéal imaginaire partagé de souvenirs de pêche et de chasse à la recherche de cette autochtonie, une cabane d’été au bord de l’eau ou un refuge d’hiver dans la forêt. Des typologies qui ont des résonances et qui habitent inévitablement l’imaginaire nordique. Le travail des intérieurs recrée des ambiances nouvelles par des formes inusitées et des circulations claires qui innovent en matière d’expérience muséale. Caractérisées par la blancheur et l’apport chaleureux du bois, les atmosphères s’inspirent de thèmes chers à Riopelle: les glaces, le fleuve, la nature.
LE LIEN – CARREFOUR RIOPELLE
Un tiers-lieu culturel qui crée et anime la vie de l’Espace Riopelle. Le carrefour démocratise le travail de l’artiste et agit comme un lien entre les acteurs de la culture, la communauté et le territoire. Composé de grands paliers, l’espace est un lieu flexible au gré de la rotation souhaitée des tableaux et des céramiques.
LE JARDIN-TERRASSE PELLAN
Un soulèvement qui dégage une terrasse surprenante, végétale et sculpturale. En partie couvert, l’entre-deux permet un apport en lumière naturelle dans les espaces interconnectés du foyer et de la salle multifonctionnelle. Ce nouveau Jardin Pellan, redonné généreusement au public, est situé au coeur des activités et offre une vue imposante.
LA LUMIÈRE
Le projet propose une mise en lumière de la salle d’exposition principale. L’illumination de la sous-face en bois génère un effet de flottement et évoque le jeu de couches et de strates de l’artiste. La double-peau est illuminée dans son épaisseur permettant de mettre en valeur sa forme ondulée et ses textures. Le système propose un contrôle de manière à moduler l’intensité et la couleur de l’éclairage afin d’en faire un moyen d’expression qui permet d’animer les grandes toiles et d’en faire un lieu en mouvement.
LE PASSAGE REVENDIQUER/RIOPELLE
Un entre-deux généreux lie les espaces et permet la mise en valeur du tableau immense de Riopelle, Le Bestiaire. L’utilisation de la double hauteur (8m) permet d’inclure l’œuvre au parcours Riopelle, qui autrement n’aurait pu l’exposer considérant le 5m de hauteur pour la salle d’exposition référence.
APPROCHE CONTEMPLATIVE – EXPOSITION RÉFÉRENCE
Des moments pour établir un contact signifiant avec les œuvres et pour accéder à un univers qui demande de l’attention, un rythme plus lent et de la réflexion. Une mise en relation entre l’art et la nature qui permet de se poser. Des ouvertures sur l’extérieur qui présentent le paysage, comme des œuvres encadrées.
ÉCLAIRAGE « AÉROSOL »
La mise en lumière aérienne évoque paradoxalement l’absence de matière. Entourée d’une zone floue de lumière, la silouette de l’espace Riopelle devient une empreinte au sol. Un effet visuel laissant une trace en négatif, presque feutrée, à l’image du travail à l’aérosol de l’artiste.
Collaboration
Architecte : BGLA Architecture + Design urbain