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Bois, verre, pierre
Par : Jean-Maxime Labrecque
GRANDS PRIX DU DESIGN – 17e édition
Discipline : Architecture
Catégories : Bâtiment résidentiel / Annexe résidentielle : Certification Or
Dialogue
Le respect du patrimoine par la modestie d’intervention
Vu le caractère exceptionnel de la magnifique maison patrimoniale construite en 1870 sise au 3035 rang St-Elzéar Est, à Laval, le projet d’agrandissement est sobre, discret et délicat, tant par sa volumétrie que par ses revêtements.
« Jean-Baptiste Georges Desnoyers a reçu la terre de son père Jean-Baptiste en 1842, mais sans mention de maison existante. Une inscription visible sur la maison en 1978, la datait de 1870. La terre no 511 de 2 arpents de front sur 33 arpents 7 perches 9 pieds de profondeur puis 9 perches de front 6 arpents 5 perches appartient à Georges Desnoyers en 1875. Mathias Charles Desnoyers avait acheté la terre en 1879 de Jean-Baptiste Georges Desnoyers et son épouse avec une maison en pierre. En 1887, Mathias Charles Desnoyers a vendu à Jean-Baptiste Bélanger le lot 511 avec une maison en pierre. Grange et autres bâtisses dessus construites. La terre no 511 appartient à Jean-Baptiste Bélanger en 1911. Elle a appartenu, dans les années 70, à Georges Edward Bélanger & al. ».
Réinterprétation des éléments du bâtiment patrimonial
Le volume projeté consiste en l’interprétation et la réintégration d’un des éléments du bâtiment patrimonial original. Le bas-côté d’origine qui accueillait une cuisine d’été, cette entrée latérale d’antan, est reconstruite avec des matériaux contemporains, le verre et le bois brûlé.
Entre l’arbre et la maison
Le nouveau volume se glisse de justesse entre la maison patrimoniale et un sapin de très grande hauteur. Cette implantation, quasi miraculeuse, a été possible par un système de fondations sur pilotis, positionné en retrait. Ce retrait permet l’effet de flottaison obtenu par le porte-à-faux de la partie arrière du volume de l’agrandissement et d’éviter d’entrer en conflit avec les racines du conifère mature adjacent qui aurait pu compromettre ses santé et longévité.
Matérialité
La cohérence du jeu de matériaux est assurée par des matières et couleurs limitées qui reprennent directement celles du contexte à savoir le bois vieilli de la grange existante ainsi que le verre des fenêtres. L’un et l’autre sont traités sur des surfaces murales entières ; le verre côté NORD et OUEST et le bois brûlé côté EST et SUD.
Un dialogue s’établit par la massivité de la pierre et l’immatérialité du verre. Le verre réfléchit par ailleurs la façade de pierre, pour là encore, lui rendre hommage. Le porte-à-faux accentue la discussion entre l’ancrage dans la terre de fondations de moellons de la maison ancestrale requise au poids de la pierre de taille d’origine et la légèreté du nouveau volume de verre.
Le détail du coin NORD de la façade de verre est particulièrement important pour la réussite du projet. Ce coin est dématérialisé par l’emploi d’un meneau à 45 degrés, qui fait disparaître tout épaisseur en mettant en relation directe le verre et le bois brûlé.
Intervention sur le bâtiment patrimonial limitée et relation existant/projeté traitée avec délicatesse pour éviter d’interférer avec des éléments caractéristiques du bâtiment patrimonial
Le nouveau volume se glisse (visuellement) avec délicatesse sous le soffite de la maison existante. Le traitement contemporain permet par ses sobriété et modestie la mise en valeur de l’expressivité de la maison séculaire, évitant ainsi d’interférer avec ses précieux éléments caractéristiques. Voir schéma ci-bas et Élévation EST.
Agrandissement proportionné au corps du bâtiment principal
La superficie de la maison patrimoniale ne suffisant plus à la nouvelle jeune famille propriétaire du 3035 Rang St-Elzéar Est, il leur fallait ajouter la superficie requise à une cuisine et salle à manger. Le volume de l’agrandissement est réduit à l’extrême minimum pour répondre aux besoins de ces deux fonctions domestiques. Alors que nous avons souhaité un volume plus important dans une première version du projet, le volume de l’agrandissement ici proposé a été réduit au strict minimum. Il permet d’accueillir les aires de vie supplémentaires nécessaires de justesse. Les proportions de cet agrandissement répondent par ailleurs au site, à savoir une largeur minimale en façade principale, derrière laquelle se prolonge le volume en cour arrière.
Un traitement contemporain sobre, véritable volume de lumière
En résumé, toute tentative de reproduction intégrale du vocabulaire de la maison actuelle aurait signifié dénaturation du dessin d’époque et aurait détourné l’attention de la maison d’origine. Côté cour, le nouveau volume offre de surprenants attributs. Les faces de verre à l’ouest et au nord qui le ferment réfléchissent la très belle façade de maçonnerie existante (voir illustration p.14) et génèrent l’impression, pour les occupants, d’être littéralement à l’extérieur. Le nouveau volume est par ailleurs en porte-à-faux ce qui le rend flottant, aérien. Dissimulée derrière les arbres et peu perceptible de la route, ce délicat agrandissement d’aujourd’hui voue un grand respect à la maison ancestrale en s’effaçant derrière elle. Il s’inscrit dans son bucolisme, sa poésie, selon la prose d’aujourd’hui.