Publié le 29 juin 2023
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Projet : Minéral – bar à vins / Par : blanchette archi.design / Crédits photos : Agence welldone
Les parcours entrelacés du design et de la non-normativité par Patrick Blanchette
Le mot est d’utilisation fréquente et le sujet est d’actualité; Queer. Le genre est l’une des préoccupations de la décennie. Même la langue française y pose son problème; elle féminise et masculinise. Elle n’est rarement neutre et aime caractériser. L’architecture y pose également son défi, adaptée majoritairement à l’hétéronormativité et à la culture de masse. Notre pratique, blanchette archi.design y réfléchit et s’intéresse à certaines théories de l’espace Queer. | ||
Le mot Queer est de plus en plus familier. Il vaudrait tout de même de définir celui-ci afin d’en cerner tous les défis auquel les gens de cette communauté et de cette politique sont confrontés. En 2019, l’Office Québécois de la Langue Française y pose sa première définition : « Personne qui ne s’identifie à aucune catégorie relative à son orientation sexuelle et à son identité de genre ».Véritable symbole de contestation des modèles identitaires relatifs au genre et aux orientations sexuelles, la communauté LGBTQ+ américaine adopte l’utilisation du terme dès la fin des années 80 afin d’en faire le porte-étendard d’un mouvement de résistance, de rupture et de rejet des normes homo et hétéronormatives.
Précisons que le mouvement Queer ne rejette pas les normes, mais se positionne à l’écart de celles-ci. Aaron Betsky, architecte californien, est l’un des principaux contributeurs aux fondements de la spaciotemporalité du mouvement Queer. Dans le début des années 90, ce dernier en fait un sujet d’études. L’architecte adresse dans une conférence donnée à Sci-Arc à Los Angeles, en 1995, le rapport entre le 3e sexe et l’architecture comme geste social.
Si l’action de l’architecte a toujours été la démonstration de la supériorité masculine, n’en serait-ce que par la notion d’érection, sa symbolique liée à la dominance des territoires et à l’expression du pouvoir, la décoration intérieure, elle, a toujours été confinée aux actes de la femme. Betsky en fait une démonstration chronologique, associant même le pouvoir de la géométrie à l’action de l’homme. L’homme de Vitruve n’est-il pas d’ailleurs l’acte générateur d’un langage formel et géométrique ayant comme centre le sexe masculin, dictant l’architecture de ses proportions, ses échelles et ses unités?
Dans le dernier siècle, la modernité, elle, décloisonne davantage que les espaces; la femme investit pour la première fois l’espace public (préalablement occupée par l’homme qui le franchissait pour rejoindre les lieux où il travaille) et l’intérieur est alors assiégé par l’homme. Il n’en demeure pas moins l’existence d’une hiérarchie des sexes, d’un modèle de domination et de relations d’abus. Clémentine Dufaut, architecte d’état de France publie en 2016 un mémoire intitulé Architecture et utopies sexuelles. Ancré dans l’architecture moderne, elle y questionne, entre autres, la mutation du rôle des intérieurs résidentiels à l’ère de la naissance du magazine Playboy : « En architecturant l’objet domestique et en diffusant son contenu dans les médias, Hefner a non seulement dessiné les contours de nouveaux habitus, mais également et surtout d’un nouvel urbanisme. Faire tomber les tabous relatifs au sexe dans un contexte de guerre froide et de puritanisme exacerbé aux États-Unis dans les années 1950 à 1970 a ainsi participé à considérer la répartition des espaces de la ville différemment. La domestication de l’homme, sa mutation progressive en un nouveau modèle alternatif au père de famille nucléaire, ainsi que les rapports entre sexe, design, nouvelles technologies et architecture a changé notre rapport aux espaces facteurs de désirs et de plaisirs ». Du même coup, le lieu résidentiel, civique et public devenaient porteurs du désir et du fantasme l’ancrant encore plus fortement dans le modèle hétéronormatif, mais davantage dans une hypersexualisation du lieu, non sans lien avec la construction de la répression des genres. L’architecture est tout sauf neutre et innocente et participe depuis toujours à des matrices politiques d’inclusion et d’exclusion. Dans son ouvrage Queering Architecture : (Un)Making Places, Éloïse Choquette fait la distinction entre « l’espace des Queers » et « l’espace Queer ». Si le premier ne précise seulement que du lieu occupé par les gens de cette communauté marginale, le second pose les bases et le champ lexical de ce qu’est l’architecture Queer, voire un espace en réaction au statuquo, aux normes de la société et aux orientations dictées par l’architecture de masse. L’architecture Queer se veut éphémère, adaptable, et anonyme; la capacité d’adaptation et de changement étant au cœur de la théorie du mouvement. L’architecture, depuis ses premières formes d’expression, a toujours été porteuse d’envies et de narratives, génératrice de mises en scène du quotidien et l’expression d’une culture de masse d’une société hétéronormative.
L’architecture forme, dicte et oriente. Son lien sur le développement personnel est direct; elle parle à la normalité. Celui qui se définit Queer n’y trouve pas son lieu, se réfugiant davantage, peut-être, dans les hétérotopies, telles que décrites dans les écrits de Michel Foucault (1965) : « Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui ont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu’ils sont absolument autres que tous les emplacements qu’ils répètent et dont ils parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies. » [1]
En somme, il y a dans le mouvement Queer une négation de la culture du construit. La mise en scène d’une sexualité, à travers les âges, est également celle des repressions de la communauté Queer. Cette sociospatialité du queer est plutôt une position inclinée de l’homosexualité et une déviance des normes hétérosexuelles sans tomber sous les stéréotypes préfabriqués de la culture de masse. Le 3e lieu, ce lieu non programmé, ce lieu de l’interstice programmatique, moins défini, plus poreux, plus ouvert est surement celui qui décrit avec une plus grande précision les lieux de confort de la pensée Queer. La matérialisation de ces concepts immatériels en est encore difficile. Nous ne pouvons passer sous silence le travail du professeur canadien John Paul Ricco qui questionne et dessine les connexions entre les arts, l’architecture, les genres et la sexualité. La délimitation spatiale des sexes, ou leur différenciateur, voire leur ségrégation, peut s’illustrer simplement dans la réalisation des salles de toilette publiques. L’urinoir de l’espace public, ou la simple signalisation des sexes sur les portes renforce l’idée d’un espace fonctionnel dictée par l’anatomie. Il suffit d’analyser la salle de toilette résidentielle, partagée et conçue pour les deux sexes pour en comprendre l’acte culturel. Le Boston Art Center, dans la rénovation (en l’inversion) de ses blocs sanitaires y pose un regard critique, laissant ces urinoirs inutilisés au cœur de l’aménagement des nouvelles salles de bain pour femme. Cette gouverne spatiale liée aux sexes, voire ces codes, sont dès lors une manifestation artistique qui en pose un regard critique sur le pouvoir phallique. Il est intéressant de constater, ou de penser, que l’espace privée est immuable à la gentrification des sexes. Que l’espace privée tend à une forme d’adaptabilité, de neutralité, ou sinon, du domestique à la féminité.
L’architecte praticien Joel Sanders adresse ces questions dans son ouvrage Stud : Architecture of Masculinity. Et puis il y a ces projets qui refusent le public et le privé, qui en brouillent les limites. Si l’intérieur était alors domestiqué par la femme, l’extérieur n’y est plus indépendant. Pensons, entre autres, à la Glass House de Philip Johnson. On parle dès lors d’espace intermédiaire. “While domestic prosthetics compensate for the suburban male’s imagined sense of his lost virility, at Rem Koolhaas’s Villa in Floriac a mechanical device enables its owner – a man recently confined to a wheelchair- to overcome his actual loss of physical mobility. Ironically, it is now the husband rather than the housewife who needs to be “liberated” from the “prison” of the traditional home. But while the buildings for the physically challenged typically avoid level changes, this design welcomes the challenge posed by its mountainside setting. The project consists of three stacked “houses” intersected by a hydraulic lift – a moving room that allows the husband to circulate freely between floors. Its status literally elevated by the lift, the wheelchair, once an index of its owner’s vulnerability, now confers power. Located adjacent to the lift, a storage wall vertically penetrates the house, providing the husband easy access to his possessions – books, artworks, wine – which allow him to cultivate his worldly pursuits. From the vantage point of his moving perch, floor-to-ceiling windows on the second-level afford the husband unobstructed panoramic views. The prosthetic architecture of Koolhaas’s Villa restores to its owner visual and physical freedom, attributes necessary for the successful performance of masculinity. “ [2]
Notre pratique a toujours été très ancré dans une pensée queer; qu’on pense à nos projets Terrasse Tendresse, Espace Village et le bar Mineral qui s’insère dans le Quartier Inclusif Montréal (village). Mais plus encore, nos récentes recherches pour le projet des aires communes du cinéma du parc et du parc Dan-Hanganu se génèrent selon les principes de l’espace Queer et du 3e lieu, dans l’objectif unique de de développer des environnements inclusifs.
[1] Michel Foucault, le corps utopique ; suivi de les hétérotopies, paris, éditions lignes, 19 juin 2009.
[2] Jsa/mixdesign, été 2022, bulletin d’information, 8 aout 2022.
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Liz Diller, cofondatrice du cabinet d’architecture Diller Scofidio + Renfro, a dirigé la conception du High Line Park à New York. Ce projet emblématique réutilise une ancienne voie ferrée aérienne et intègre des éléments paysagers innovants, offrant ainsi un espace public inclusif pour les New-Yorkais et les visiteurs. Tom Dixon et Karim Rashid ont créé des pièces de mobilier et des objets qui expriment une esthétique non conventionnelle, mélangeant des formes, des couleurs et des textures audacieuses. Ces créations repoussent les limites de la perception traditionnelle du design et inspirent une nouvelle génération de concepteurs queer. Tom Ford : En plus d’être un célèbre designer de mode, Tom Ford a également étudié l’architecture à l’université. Son style audacieux et avant-gardiste a influencé l’industrie de la mode et du design. Alison Brooks : Architecte britannique primée, Alison Brooks est connue pour son approche novatrice de la conception résidentielle. Elle est ouvertement lesbienne et est reconnue pour son engagement en faveur de la diversité dans l’architecture. Ricardo Bofill : Architecte espagnol reconnu mondialement, Ricardo Bofill est ouvertement gay. Son style unique mêle le modernisme et le postmodernisme, et ses œuvres incluent des projets emblématiques tels que la transformation de l’usine de ciment La Fábrica en son propre studio. Odile Decq : Architecte française de renom, Odile Decq est la fondatrice du studio d’architecture Odile Decq Benoît Cornette. Elle est connue pour son style audacieux et sculptural, et ses réalisations comprennent notamment l’Opéra de Guangzhou en Chine. Jean-Paul Gaultier : Bien qu’il soit principalement connu comme créateur de mode, Jean-Paul Gaultier a également travaillé dans le domaine du design d’intérieur et du mobilier. Son esthétique unique et son esprit avant-gardiste ont inspiré de nombreux designers à travers le monde. Anish Kapoor : Sculpteur britannique d’origine indienne, Anish Kapoor est ouvertement bisexuel. Ses sculptures monumentales et son utilisation audacieuse de la couleur et de la forme ont fait de lui l’un des artistes contemporains les plus célèbres et influents. Yvonne Farrell et Shelley McNamara : Ces architectes irlandaises ont fondé le célèbre cabinet Grafton Architects. Elles ont été la première équipe entièrement féminine à remporter le prestigieux prix Pritzker en 2020, et leur travail est caractérisé par une approche humaine et contextualisée de l’architecture.
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