Jury-GRANDS PRIX DU DESIGN / Publié le 28 avril 2021
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Dimitar Lukanov
Sculpteur
Dimitar Lukanov Studio
Bulgarie / New York, États-Unis
QUESTIONNAIRE PROUST – VERSION PERSONNALITÉS DU DESIGN !
Quel souvenir d’enfance prémonitoire se rapporte à votre carrière actuelle ?
C’était mon premier toucher de la plasticine grise en forme de brique, lourde de 1 kilo, une matière première dure et difficile à mouler. J’avais six ans et j’étais fasciné de pouvoir en faire tant de choses. Je transformerais cette brique en animaux, dont beaucoup n’ont jamais été vus en personne.
Quelles sont trois règles de base apprises de vos mentors ?
■ Concentrez-vous sur les dessins, comme m’a écrit Henry Moore en 1983. J’étais exalté de recevoir ses lettres positives..moi, le gamin derrière le rideau de fer…
■ Voyez le contexte, en tous sens, tous azimuts .. ce qui se passe autour de votre création; Observez, «respirez» l’environnement…
■ Le bonheur est dans l’inaperçu..
Quel projet a lancé votre carrière ?
Écoutez-vous de la musique pour travailler ?
Je crois que la musique est au coeur de la creation artistique. Depuis mon enfance, j’aime la radio. On peut pas prédire ce qui s’en vient. Il n’y pas de prévisibilité, comme dans la vie. C’est l’inconnu qui suit… aucune certitude de l’instant suivant. Je suis friand du jazz et de la musique classique en particulier.
Travaillez-vous en pyjamas ou en complets ?
Dans quel état d’esprit se situe votre pratique design actuelle ?
La sculpture reste une création fondamentalement manuelle. Soit nous réussissons, soit nous ne réussissons pas… il n’y a pas d’«entre-deux». Chaque pouce de mon travail vient de mes mains, pas à pas, action sur action. Il y a des idées qui me bousculent tout le temps ! J’observe et j’imagine. Un état parallèle simultanément. Le vent qui fait bouger les feuilles, tout d’un coup et chaque danse dans une direction pas comme les autres. Je « vois » des projets à grande échelle. L’artiste opère avec plus de sincérité que quiconque. Le succès monétaire n’a pas d’importance.
Quel architecte ou designer contemporain admirez- vous le plus ?
La nature.
Sa perfection totale m’inspire et me rend un peu triste en même temps. Je me rends compte que tout est déjà fait… les rochers, le flux de l’eau, les couleurs, le dédale de la beauté; la nature avec toute sa splendeur me déchire le cœur.
Quel architecte ou designer du passé vous inspire le plus ?
Frank Lloyd Wright, Oscar Niemeyer, Malevitch, les bâtisseurs du Château de Chambord, Konstantin Melnikov, Henry Moore, Teotihuacan… une liste qui se remplit chaque jour…
Quelle est votre qualité design la plus remarquable ?
La persévérance. Je travaille sans relâche… et la conviction inaliénable que la lumière jaillira, que l’amour aura le dernier mot.
Je n’accepterais jamais « l’assainissement », la convenance chez des arts.
Comment aimeriez-vous que vos projets passent à l’histoire ?
Il y a toujours un fort espoir de longévité constructive et aussi de laisser la marque d’une construction unique de l’esprit… et pareillement, les projets perdureront comme des gestes poétiques éphémères.
Quelle qualité de vos pairs appréciez-vous le plus ?
La Solidarité; l’époque de la simultanéité au début du 20e siècle m’attire. C’est pas nécessaire de faire le desert autour de soi pour créer. Je tiens au coeur le veritable manifesto de cette période, La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars et Sonia Delaunay.
Quel projet est l’apogée de votre carrière ?
Mon dernier projet dans le domaine public, les trois sculptures du pont piétonnier à Amsterdam NY, dont DreamRiver et Entrance to Now.
DreamRiver,
Amsterdam NY Pedestrian Bridge, États-Unis, 2019. Crédit photo : Dimitar Lukanov Studio.
Entrée vers le Maintenant,
Amsterdam NY Pedestrian Bridge, Étas-Unis, 2018. Crédit photo : Dimitar Lukanov Studio.
Quel aspect de votre travail reflète les valeurs de votre pays d’appartenance ?
Je porte un mélange de deux pays.
D’abord et avant tout – c’est le pays du « tout possible » – les États-Unis (où je vis) avec toutes ses promesses, son optimisme, son immense grandeur et ses rêves d’échelle; et l’un des plus anciens et des plus petits d’Europe avec 8 000 ans d’histoire, la Bulgarie. La France et ses Lumières m’inspirent aussi profondément. Je régurgite ces expériences asymétriques comme ma « nourriture » préférée. Ce tourbillon insolite est mon inspiration.
Ce qui m’a transporté était la stratigraphie et les méandres architecturaux de Plovdiv, ma ville natale, bien gravés dans ma mémoire d’enfance. J’ai réalisé plutôt vite que nous portons les millénaires sur nos épaules et puis vient la responsabilité de créer en connaissant le passé, en le ressentant.
En même temps, je me souviens des sages paroles de Montesquieu: « Je suis nécessairement homme et je ne suis français que par hasard ». Je suis toujours partant… Le créateur doit « circuler » comme le dit le poète futuriste russe Khlebnikov. Alors je reste un nomade, un aventurier…
Qu’est-ce qui vous inspire toujours ?
La beauté de l’humanité, et la puissance de la nature, les mouvements de la mer toujours parfaitement synchronisés et en même temps chaque vague est strictement individuelle; le chœur des oiseaux… toujours un spectacle merveilleux.
Pour être contre la route toute tracée, vous n’avez pas à marquer de limites. En art, c’est tout ou rien. Je suis un collectionneur de coïncidences.
Si un sort vous transformait en objet, lequel choisiriez-vous d’être et, ma foi, pourquoi ?
Une fleur, ou l’albatros de Baudelaire.
Le vent souffle près de la mer. Un vent purificateur. J’aurai l’impression d’appartenir à l’infini…
Quel est votre endroit favori au monde ?
Dans la mer…
À quel projet de design ou d’architecture auriez-vous aimé penser vous-même ?
La Tour Eiffel !
Si vous pouviez recevoir à diner trois personnes, passées ou vivantes, qui seraient-elles et que serviriez-vous bien à manger ?
Il faudrait que ce soit ma mère pour préparer un repas indéniablement riche en saveurs – une véritable sculpture culinaire que nous nous régalerons. Elle, Vessela, (avec un grand goût pour le design) avait la connaissance du chemin direct entre l’estomac et le cerveau !
Pour la garniture, bon…Vonnegut (que je le croise à New York quelques semaines avant sa mort) et ensuite, pour essayer de lier ses géants… Leonardo, Emily Dickinson, Rousseau, Nina Simone, Neruda, Beethoven, Exupéry, Anna Akhmatova, Maïakovsky…
Kurt Vonnegut | Leonardo Da Vinci | Emily Dickinson | Rousseau | Nina Simone |
Pablo Neruda | Beethoven | de Saint-Exupéry | Anna Akhmatova | Maïakovsky |