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Les Habitations Boutisses
Par : MXMA Architecture & Design
GRANDS PRIX DU DESIGN – 17e édition
Discipline : Architecture
Catégories : Prix spéciaux / Architecture + Conception à petit budget : Certification Or
Catégories : Prix spéciaux / Architecture + Matériaux : Certification Argent
Catégories : Bâtiment résidentiel / Habitation multifamiliale ≤ 4 étages : Lauréat Platine
LES HABITATIONS BOUTISSES
Une habitation de style contemporain dans l’arrondissement montréalais Plateau-Mont-Royal crée un nouveau langage architectural.
INTRODUCTION
Situé sur la rue de la Roche, à Montréal, le projet des Habitations Boutisses porte sur la conception d’un nouveau bâtiment multifamilial de facture contemporaine qui réinterprète le langage architectural des plex montréalais.
Ce projet de six unités locatives s’insère dans un quartier où le patrimoine bâti est représentatif du boom de construction observé entre 1907 et 1917. Des triplex et des multiplex dominent le parc immobilier.
Ce projet est construit sur un terrain de 25 pieds de façade par 80 pieds de profondeur, où se trouvait anciennement une maison de faubourg d’un étage construite avant 1890. Cette maison qui n’était pas un témoin marquant de l’architecture du Plateau avait été précédemment détruite.
ENVIRONS DU SITE
À sa gauche, la propriété est encadrée d’un multiplex de trois étages, construit sur toute la profondeur de son site et articulé autour d’une petite cour intérieure. Dans cette courette, des fenêtres laissent la lumière entrer dans les logements. À sa droite, la propriété est bordée d’un duplex de deux étages avec un jardin où de grands arbres accueillent une diversité d’oiseaux, une oasis urbaine dont le projet a cherché à tirer avantage dans ses aménagements. À l’arrière de la propriété se trouve une ruelle bordée d’arbres matures, de jardins, de garages et d’autres bâtiments accessoires en fond de cour.
La propriété bénéficie d’un emplacement central, vibrant d’activités. À l’avant, les habitants du quartier sillonnent le trottoir ou la piste cyclable pour rejoindre le métro ou l’animée avenue Mont-Royal. À l’arrière, la ruelle devient un lieu de rassemblement pour les voisins, un espace propice aux échanges et à la convivialité. Sur le terrain autrefois vacant, où les Habitations Boutisses ont été érigées, un sentier tracé par le passage fréquent des piétons représentait un véritable chemin de désir, témoin de l’attrait naturel de l’endroit.
PROGRAMME
Le client, URBADEV, un promoteur immobilier spécialisé dans la réalisation de bâtiments locatifs multifamiliaux dans le quartier du Plateau-Mont-Royal, cherchait à ériger un bâtiment comprenant six unités avec deux mezzanines et des terrasses sur le toit pour profiter des vues sur le Mont-Royal.
Le nombre de logements constituait une contrainte essentielle pour la viabilité du projet, nécessitant des loyers concurrentiels avec ceux du quartier. Parallèlement, le promoteur cherchait à adresser la pénurie de logements abordables sur Le Plateau-Mont-Royal. Dans cette optique, le projet visait à offrir des logements accessibles à différents types de ménages (des personnes seules, des couples ou des petites familles), favorisant ainsi la mixité sociale et contribuant à l’équilibre communautaire du Plateau.
Soucieux de la qualité de la construction, du bien-être des locataires et de leur environnement, le client souhaitait réaliser des espaces de vie confortables tout en privilégiant une insonorisation supérieure et l’utilisation innovante de matériaux conventionnels, économiques et durables tels que la maçonnerie et le revêtement métallique. De plus, il visait à construire un bâtiment à haute performance énergétique (certifié Novoclimat) afin de réduire les coûts énergétiques et les émissions de carbone sur toute la durée de vie du bâtiment.
LOCALISATION
En bâtissant des habitations sur un terrain vacant au cœur d’un quartier dynamique, le client visait à tirer profit des infrastructures de transport existantes et à limiter les impacts environnementaux. Il espérait aussi façonner un bâtiment distinctif avec une image forte, sans toutefois imposer d’exigences conceptuelles dès le départ. Ainsi, le client a accordé une totale liberté à l’architecte pour concevoir un projet à la fois audacieux, efficace et intégré à son environnement. L’objectif était de créer un immeuble facile à construire, harmonieux, capable de séduire à la fois les résidents du quartier et les locataires potentiels, et de leur donner envie d’y emménager.
CONTEXTE = CONCEPT
Pour concevoir le projet, MXMA s’est d’abord inspiré de l’implantation et de la morphologie des immeubles qui définissent le tissu urbain de la rue de la Roche, ainsi que du caractère distinctif des constructions voisines, incluant leurs alignements et leurs revêtements. Cette analyse a inspiré la conception d’un projet innovant qui répond aux besoins du client tout en assurant une intégration harmonieuse dans son environnement. L’objectif était de créer une intervention contemporaine qui s’inscrit dans la continuité de l’évolution du quartier.
VOLUMÉTRIE ET COURS
L’étude de l’évolution typo-morphologique du quartier a permis à l’architecte de constater que les types architecturaux ont varié à travers les différentes époques de construction. Entre 1885 et 1891, les duplex étaient implantés directement sur le trottoir, sans marge de recul. Plusieurs de ces bâtiments conservent encore une forme compacte et de vastes cours arrière, tandis que d’autres ont été agrandis pour se fusionner avec des structures en fond de cour, créant ainsi des jardins intérieurs.
Construits plus tard, entre 1904 et 1914, les triplex et multiplex sont implantés avec une marge de recul de cinq pieds. Ces typologies dominent le paysage avec un plan en ‘’C’’, une petite cour intérieure au centre et une forme rectangulaire allongée s’étendant de la rue jusqu’à la ligne de lot arrière. Par conséquent, le tissu urbain de la rue De la Roche présente des alignements de façades irréguliers, ainsi qu’un bâti dense et perforé avec plusieurs espaces extérieurs qui sont, d’une certaine manière, des pièces à ciel ouvert.
Dans un souci d’harmoniser le nouvel édifice avec le tissu urbain existant, les paysages variés et le contexte environnant, l’architecte s’est appuyé sur la morphologie des constructions locales ainsi que sur le jeu subtil des espaces pleins et vides. Cette approche a guidé la conception d’une structure s’inscrivant dans une forme en ‘’C’’, en parfait équilibre avec son environnement.
Sur la façade, le premier bâtiment, abritant trois logements, se fond harmonieusement avec les façades des bâtiments voisins sur la rue De la Roche. Ce volume s’aligne avec précision sur l’élévation arrière du duplex voisin, préservant ainsi l’intégrité de la cour adjacente et des vues, laissant pénétrer la lumière naturelle dans le jardin et mettant en relief les grands arbres et le l’environnement naturel du lieu.
À l’arrière, un deuxième bâtiment de trois logements, implanté en fond de cour, fait face à la ruelle. Son élévation arrière a été conçue de la même façon qu’une façade principale, dans le but d’augmenter la luminosité dans les logements, de profiter des vues sur les arbres voisins et d’embellir l’espace commun de la ruelle. Ce bâtiment reproduit également la forme de la cour intérieure du multiplex voisin (côté gauche), afin de ne pas bloquer la lumière naturelle des logements adjacents.
Les deux bâtiments sont liés par une tour de quatre niveaux qui abrite l’escalier principal desservant les logements. Adossée au multiplex du côté gauche, la construction s’aligne parfaitement avec l’élévation de la cour intérieure. Ainsi, ce volume organise avec précision, subtilité et fonctionnalité tous les espaces extérieurs du projet, y compris les corridors, les passerelles, les terrasses et l’escalier d’issue.
Positionnée au cœur du site et orientée vers le sud, la cour intérieure des Habitations Boutisses offre une belle lumière naturelle traversante aux six logements. Cet espace ouvert permet également aux locataires de profiter de vues variées sur le paysage environnant, voire même des aperçus du Mont-Royal.
ENJEUX 1
La conformité à la hauteur réglementaire maximale du bâtiment a représenté un défi majeur lors de la conception du projet. Étant donné que les chambres des logements au rez-de-chaussée sont situées au niveau du sous-sol, la réglementation exigeait une hauteur minimale de 1 mètre entre le niveau du trottoir et le plafond des chambres, laissant ainsi une marge de 11,5 mètres pour la construction de trois étages et deux mezzanines. Pour y parvenir, l’architecte et les ingénieurs ont choisi de construire le premier niveau en béton, avec une dalle de 8 pouces, tandis que les étages supérieurs sont en bois, soutenus par des poutrelles ajourées, tout en minimisant les portées. Cette stratégie a demandé une adaptation minutieuse de l’aménagement intérieur des logements afin de maintenir une efficacité structurelle, depuis le sous-sol jusqu’au toit.
ENJEUX 2
La construction de six logements sur un terrain bordé de duplex et de triplex, ainsi que la nécessité de concevoir des volumes qui s’harmonisent avec les courettes et les bâtiments voisins ont posé d’importants défis auxquels MXMA a dû faire face. Pour maximiser l’utilisation du terrain et créer des espaces de vie confortables, l’architecte a choisi de placer les circulations à l’extérieur du bâtiment, permettant ainsi d’agrandir les espaces intérieurs pour le bien-être des locataires.
« Ce que j’apprécie le plus lorsque je visite le projet, c’est de sortir de l’escalier et d’admirer le grand arbre du voisin tout en écoutant les oiseaux chanter. C’est un endroit vraiment agréable ! » explique l’architecte.
Les circulations extérieures ont été aménagées en suivant le tracé du sentier piétonnier préexistant sur le terrain vacant, facilitant ainsi les déplacements des locataires de la rue De la Roche jusqu’à la ruelle. Cela leur assure un accès pratique à leurs vélos, aux services de proximité, aux équipements collectifs, aux espaces publics et aux parcs. De plus, ces passages extérieurs favorisent la continuité des interactions sociales, s’étendant de l’espace public jusqu’aux passerelles, terrasses et même aux escaliers extérieurs. Enfin, ces circulations offrent des perspectives sur les espaces naturels en milieu urbain, tout en permettant aux résidents d’apprécier un mode de vie nordique pendant l’hiver.
ENJEUX 3
Lors de l’étude du projet, les membres du comité consultatif d’urbanisme (CCU) de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal ont exprimé des préoccupations concernant la mezzanine arrière. Ils appréhendaient qu’elle ne réduise la lumière naturelle dans la cour intérieure du multiplex voisin situé du côté gauche. L’arrondissement a exigé que ce volume soit complètement retiré du projet. Cependant, pour le client, cette mezzanine, comprenant une chambre, était essentielle à la réalisation du projet.
Pour résoudre cette impasse, l’architecte a déplacé la mezzanine vers la ruelle et a revêtu les façades du 3e étage ainsi que les surfaces des cours intérieures d’un revêtement métallique blanc. Ainsi, les élévations du projet reflètent de manière indirecte la lumière du soleil, illuminant à la fois les logements voisins et ceux du projet. La couleur blanche contribue également à créer une impression d’espace vaste, malgré la proximité des voisins et la densité de l’immeuble.
LA FAÇADE ET SES MATÉRIAUX
La façade du projet se distingue des constructions voisines centenaires par son architecture distinctive, sa volumétrie unique, son agencement contemporain et l’utilisation innovante de ses matériaux conventionnels.
Au niveau du rez-de-chaussée, la façade est délibérément en retrait par rapport au deuxième étage, s’alignant ainsi harmonieusement avec les multiplex voisins le long de la rue De la Roche. L’espace entre le trottoir et le bâtiment est aménagé avec des plantations, créant une atmosphère d’intimité, de confort et de sécurité pour les résidents du rez-de-chaussée. Revêtue d’un clin de bois disposé verticalement, la façade du premier étage évoque subtilement le revêtement original de la maison de Faubourg de 1890, préservant ainsi le caractère distinctif du patrimoine architectural du Plateau.
Aux étages supérieurs, la façade joue un rôle de lien, comme un trait d’union, formant une surface angulaire qui relie harmonieusement les façades hétérogènes de la rue, créant ainsi une transition fluide entre les constructions de la rue. La présence de la mezzanine se prolonge le long de cet angle, s’appuyant sur le multiplex voisin du côté gauche pour inonder les logements de lumière naturelle et offrir des vues saisissantes sur le Mont-Royal. La disposition verticale des baies vitrées sur la façade contribue à l’intégration visuelle du projet dans le contexte de la rue.
LA BRIQUE
Malgré la diversité architecturale du quartier, la brique demeure un élément prédominant dans le paysage urbain de la rue De La Roche depuis plus d’un siècle. Cette brique se décline dans une variété de couleurs, de finitions et de modes d’assemblage, conférant au quartier son caractère unique. La façade en porte-à-faux du projet tire son expression architecturale de ce riche héritage, avec un jeu subtil de briques beiges et brunes et un agencement en Boutisse. Ce choix d’assemblage s’inspire des constructions avoisinantes tout en apportant une touche distinctive, reflétant à la fois la vision créative de l’architecte et le savoir-faire artisanal des maçons. En mettant en avant la brique comme matériau principal, le projet affirme son engagement envers une architecture durable, tout en contribuant à forger le patrimoine urbain de demain.
CONCLUSION
En conclusion, les défis inhérents au projet et à son contexte ont engendré des concepts forts et originaux, tels que la réinterprétation du langage architectural avec des références historiques. Cette réussite n’aurait été possible sans la volonté et l’ouverture des parties prenantes à concilier les divers impératifs pour créer une architecture durable, fonctionnelle et esthétique. En somme, il s’agit d’une architecture de qualité qui n’omet pas pour autant la créativité.
